Falco, c’est d’la bombe !
25 ans seulement et déjà une carrière d’artiste accompli, des créas plein les murs et un pseudo qui voyage. Falco a le vent dans le dos. Un annécien comme on les aime, passionné et créatif. Un street artiste dont le nom et la voix portent à travers toute l’Europe.
Singulier
Un peu frondeur, cet Annécien d’origine a pris les chemins de traverse en ne devenant ni trailer ni sportif aguerri. A part traîner un peu, beaucoup, passionnément dans les skate-parks avec ses potes et admirer son père dans sa pratique sportive - kite surf et sports de glisse -, la fibre athlétique de Falco s’est arrêtée là. Fi de l’injonction locale !
Son truc à lui, c’est la créa, l’imagerie de la rue et la culture street/skate/punk insufflée par ses pairs. D’où peut-être une certaine audace. Celle déjà de devenir artiste, un pari en soi. “Je dessine depuis l’âge de 16 ans et au cours de mes études en licence information/communication, j’avais pas mal de cours d’histoire de l’art et cela m’a permis d’apprendre à analyser les œuvres, à les décortiquer sous toutes les coutures”. Sa vocation initiale de graphiste bifurque : “je n’avais pas vraiment envie que quelqu’un me tienne le stylo, ça m’agaçait, mais je devais apprendre à mettre en forme les images pour trouver ma singularité.” Son projet, lui, prend forme et Falco reprend, plus en dilettante, les dessins griffonnés sur tablette, partagés sur Insta et planqués dans les recoins de la fac… Sous le micro du prof, silence !
C’est grâce à la technique du pochoir qu’il passe vraiment la barrière de l’écran. Une révélation. Période Covid, Falco est chez ses parents : il peint, du matin au soir, 8 heures par jour et affine sa technique. Ses dessins commencent à vivre, à exister et à être placardés en 10×10 ici et là, dans la ville. Puis les carrés voient plus grand. Parfois jusqu’à plusieurs mètres. “Au début, je cherchais des endroits cachés parce que je ne me sentais pas légitime et petit à petit, j’ai occupé l’espace public, mais pas pour dégrader, juste parce que la rue, c’est quand même le plus fréquenté des musées !”. Sa première œuvre d’art urbain annécienne trouve sa place sur un compteur électrique au bord du lac. Suivent d’autres lieux, pourvu qu’ils soient vus cette fois.
Pluriel
Annecy, Lyon, Grenoble, Falco a fait ses armes dans la région, mais son nom circule déjà dans toute l’Europe dont il a foulé les rues et coloré les murs. Paris, Londres, Lisbonne, Amsterdam, Berlin, Fribourg ou Prague, son art n’a pas de frontières. Ni celles des espaces ni celles du temps.
Son identité, il la doit à ce parti pris très fort qui permet de faire des ponts entre les œuvres classiques magistrales et la société contemporaine. Peindre avec une bombe est une forme d’activisme, pacifiste, mais éloquent. “Mes dessins sont des actions à part entière. Il y a l’image et le message qui marche comme un slogan, il s’agit d’interroger notre époque.” C’est ce qui fait l’identité de Falco. Pris en flagrant délit d’anachronisme, les œuvres iconiques de la Renaissance ou de l’art antique - ses favorites - sont drapées de punchlines cinglantes qui viennent interroger le moment. Ou comment imaginer ce que l’artiste aurait pu dire de l’actualité.
Cupidon qui décoche sa flèche à la façon d’un « match » sur une appli de rencontre, le Discobole qui lance une bouée de sauvetage à la rescousse des naufrages humains dramatiques qui se multiplient en Méditerranée, la Joconde à qui les admirateurs tournent le dos en mode selfie enclenché sans même prendre le temps de la regarder… Autant de détournements qui éclairent les sujets et les comportements sociétaux d’aujourd’hui. Et mettent en exergue cette forme de schizophrénie culturelle dont les grandes villes sont les réceptacles et qui nous mène à consommer les œuvres comme des attractions lambda à l’image de la Vénus de Milo parée des oreilles de Minnie. Une louche d’humour à la volée, une dosette d’ironie douce-amère, Falco vise dans le mille. Et pour franchir le mur de l’espace public et faire sa place dans les lieux d’art, il transpose ses œuvres sur papier, toile ou carton, mais toujours la bombe en main. Touche indélébile.
A tous les temps
Celui dont le style s’est très vite imposé sur cette scène mouvante du street art n’en confie pas moins avoir un rêve absolu. Celui d’avoir une véritable œuvre dans les rues d’Annecy, sa terre natale. “Annecy est ma ville de cœur, celle où j’ai commencé à m’exprimer, mais pour autant je n’ai jamais réussi à négocier un emplacement durable. Sur une quinzaine d’œuvres, j’en ai quelques-unes qui ont survécu quelques mois, c’est tout.” La plus marquante a été celle de la bâche accrochée devant les vieilles prisons avec la fameuse Joconde masquée et son « Protect yourself(ies) » qui est restée plusieurs semaines dans ce lieu mythique ultra-photographié, sorte de mise en abîme de ce défilé quotidien d’autoportraits frénétiques. Mais aujourd’hui si l’on veut voir des œuvres de Falco, il ne reste plus que les dessins peints sur les volets du Café des Arts, sinon difficile d’avoir pignon sur rue. D’où l’exil parisien, même si Falco le proclame : “je préfèrerais avoir une belle fresque à Annecy plutôt qu’à New York !”. C’est lâché !
Celui qui foule les rues des grandes villes européennes et expose dans les lieux d’art consacrés attendrait-il donc toujours la reconnaissance de son berceau ? Sans aucun doute. En attendant, il peaufine sa technique, découpe ses pochoirs à la main, retouche ses œuvres bombées à la main pour parfaire les détails et continue d’affirmer son style, ici ou ailleurs. Pleine balle dans l’actu, avec sens et décontraction, Falco taille les mots pour faire mouche, cultive les aspérités et garde le grain de la touche de peinture qui éclabousse pour interpeller, faire sourire et s’indigner. Et porter la voix de ceux que l’on entend moins.
Le mot de la fin ? Go Future !