La conciergerie de demain
Les logements Airbnb poussent comme des champignons à Annecy. Mais pour combien de temps ? Président du Syndicat des Conciergeries 74, Lionel Hunziker est aussi à la tête de la plus grosse d’entre elles. 7 ans après la création de la Conciergerie du Lac, l’entrepreneur n’a de cesse de réinventer son métier… Entre anticipation et passion, lucidité et créativité.
Comment tout a commencé ?
Lionel Hunziker : Tout est parti d’une frustration ! Eté 2016, je veux mettre en location 2 appartements annéciens, sur le modèle Airbnb. Mais étant toujours en vadrouille – j’étais alors directeur de développement pour la Maison Fenestraz, et partageais mon temps entre Courchevel, Méribel et l’Argentine -, je cherchais une agence pour s’en occuper, accueillir les hôtes, faire l’état des lieux, le ménage, gérer le linge, répondre aux questions pendant le séjour… Or les agences, ici, n’offraient pas ce genre de services à l’époque, préférant la gestion locative traditionnelle. Le besoin était pourtant là.
Et donc, ça a fait Tilt ?
Ça a bien gambergé en tout cas ! Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, la Conciergerie du Lac est née. Et j’ai cumulé les jobs !
À un moment, il a fallu choisir son camp, non ?
Oui, et plus vite que prévu ! En 2019, la Conciergerie avait pris tellement d’ampleur – déjà 100 biens en portefeuille ! – que j’ai décidé de m’y consacrer intégralement. Et en 3 ans, on a multiplié par 3 le nombre d’appartements en gestion. Aujourd’hui, on en a 320, soit 1200 chambres. De nos débuts dans l’équivalent d’un garage, chemin des Cloches à Annecy-le-Vieux, on est passé à 4 sites : une cuisine centrale pour « Bonjour », la société de livraison de petits-déjeuners que j’avais créée parallèlement, 2 lingeries pour stocker draps et serviettes, et nos bureaux qui servaient aussi de lingerie quand ça débordait ! Il nous fallait voir plus grand et surtout centraliser… Et là, je suis tombé sur les locaux laissés vacants par l’Essor, juste derrière Bonlieu : situation rêvée ! Après quelques mois de travaux, on y a élu domicile, l’année passée.
Le Covid a-t-il eu un impact sur votre stratégie ?
Clairement ! Il nous a donné l’opportunité de nous diversifier ! On a notamment ouvert une branche pour de la gestion locative traditionnelle de meublés. Le marché de la courte durée étant saturé, plutôt que de baisser les prix et niveler vers le bas pour assurer le taux de remplissage, il est parfois plus judicieux de louer pour 1 à 10 mois, tout en conservant, au propriétaire, l’accès à sa résidence secondaire aux moments opportuns pour lui. Dans la suite logique, on a aussi ouvert un service de transactions immobilières. Pour satisfaire les investisseurs qui souhaitent acquérir un bien avec une rentabilité immédiate. Et côté vendeurs, ils apprécient, de trouver un professionnel capable d’estimer selon les prix du marché, mais aussi de valoriser avec crédibilité, auprès du futur acheteur, les revenus générés par ce bien. On a aussi des propriétaires de maisons, trop grandes après le départ des enfants, qui souhaitent trouver un appartement en ville et investir la différence dans un bien qui leur rapporte…
Mais tout le monde n’a pas le temps, l’inspiration ou le courage de transformer une résidence secondaire en meublé de tourisme digne de ce nom ?
Et c’est pour ça qu’on a créé notre 4ème branche, celle qui s’occupe des travaux, de la déco, de tout l’aménagement. On livre le logement équipé jusqu’à la petite cuillère ! Et pas avec de l’Ikéa qu’il faut changer tous les ans ! Nos décorateurs ont négocié des partenariats avec de belles marques, du mobilier durable à des prix accessibles pour concevoir des appartements avec du cachet, un standing qui leur permet d’être attractifs et compétitifs sur le marché. Ainsi, avec toutes nos branches, on a une vision globale et une approche patrimoniale qui, au final, s’avèrent très pertinentes d’un bout à l’autre de la chaine immobilière, parfaitement adaptées à chaque situation, aussi singulière soit-elle.
Depuis quelques mois, la mairie a sérieusement durci le ton face à l’utilisation d’Airbnb, en imposant une nouvelle réglementation. Ça vous inquiète ?
On y est vigilant en tout cas. Pour défendre nos intérêts et ceux de nos clients qui ont investi leurs économies dans ces biens, on a créé l’année passée un Syndicat des Conciergerie de Haute-Savoie. Ensemble, on est monté au créneau auprès du tribunal administratif contre cette réglementation que l’on trouve abusive et on a obtenu, cet été, sa suspension.
Pourtant, il y a bien un problème de saturation… Trop de Airbnb et plus assez de logements pour la population, c’est un fait.
Si on appliquait juste la réglementation mise en place par Jean-Luc Rigaut en 2018, qui consistait à dire : « pour louer en saisonnier sur les 27 communes de l’agglomération, il faut être classé – de 1 à 5 étoiles, mais classé », on diviserait par 4 le nombre de meublés. Avant de créer de nouvelles règles, faisons déjà appliquer les précédentes et on y verra plus clair !
Vous avez d’autres projets dans votre chapeau ?
Oui et qui me tiennent à cœur, comme celui de développer une offre purement hôtelière, sur des bâtiments entiers, pour rénover le parc hôtelier d’Annecy. Et dans ce sens, une adresse rue Royale verra très bientôt le jour, mais chut… On se donne rendez-vous à l’été 2024 pour vous la dévoiler !
La Conciergerie du Lac en chiffres
En août, on comptait :
320 biens de 3 à 4 étoiles classés meublés de tourisme, en location saisonnière.
7600 nuitées vendues sur ce mois, pour un prix moyen de 180 € la nuit.
2,8 jours, c’est la durée moyenne des séjours (fortement en baisse cet été, crise oblige, contre 4 jours les années précédentes).
50 collaborateurs au taquet !
2377 draps housse, autant de housses de couette,
7600 taies d’oreiller
5600 draps de bains, 1914 tapis de bains,
1850 torchons de cuisine…
Et 1001 projets…