© Okhaly

Vade Retro ! C’était mieux avant ?

Le 11 décembre 2023 par Emmanuel Allait

70% de Français nostalgiques pensent que « c’était mieux avant ». “La vie était plus douce, moins violente et agressive. Les gens se respectaient et se disaient bonjour ! ”. Ah… la France d’antan, celle des parties de belote au bistrot, de billes dans la cour d’école, celle qui vivait très bien sans les téléphones portables et tous les objets connectés. Tout fout l’camp ma bonne dame ! Hélas, tout n’était pas mieux avant…

Même les moulins, c’était mieux à vent.

 

“De mon temps, il y avait du respect, on fumait librement. Aujourd’hui, on ne peut plus rien faire, ni rien dire, les jeunes ne veulent plus bosser, la violence, les réseaux sociaux…”. Une antienne passéiste entonnée par quelques jeunes et beaucoup de vieux, des femmes, des hommes, de droite comme de gauche, dans les bistrots, dans les médias, et partout sur les réseaux sociaux. Nos ronchons flingueurs grognent, râlent et défouraillent à tout-va, avec, en stars du coup de gueule, Sardou, Delon ou Lanvin.

Notre époque serait pire que la précédente… La baguette coûtait un franc. A les écouter, aujourd’hui, le budget pain annuel d’une famille, c’est le PIB de la Grèce. On regardait Casimir sur l’Île aux Enfants, maintenant on trucide sur GTA 5. On fantasmait sur Emmanuelle, c’était classe. Maintenant, les gusses se filment pour Jacquie et Michel et arrosent leurs crushes de dick pics. Glauque.

Euh… ne serait-ce pas un peu caricatural tout ça ? Un discours réac’ qui nourrit le business de Valeurs Actuelles et de pseudo-historiens comme Bern ou Ferrand. Les politiques exploitent à fond le filon de la naphtaline et du redressement en espérant toucher le jackpot électoral. De Gaulle est toujours leur idole indéboulonnable, personne pour se risquer à trouver un autre maitre à penser ? Notre président ? Un quadra qui parsème ses discours de galimatias, de perlimpinpin et de Gérard Majax, inconnus des moins de 50 ans !

 

© Okhaly
© Okhaly

Syndrome du rétroviseur

 

Ce sentiment que « tout fout l’camp » ne correspond pourtant à aucune réalité, comme l’a expliqué le philosophe Michel Serres. D’abord, parce qu’on nous bassine avec ça depuis des lustres. Dans l’Antiquité déjà, philosophes et poètes chouinaient sur le déclin moral de leur époque. Ensuite parce que le passé n’est guère reluisant. Conflits, maladies autrement plus mortelles que notre Covid, 3000 morts annuels sur les routes, violences domestiques qui ne scandalisaient personne, pubs sexistes, imitations racistes de Michel Leeb…

Rappelez-vous votre jeunesse ! Fringues moches, coupe mulet, éducation sexuelle proche de zéro. Pas de quoi regretter ! Certes, le monde actuel n’est pas très sexy, mais pas aussi sombre que l’affirment les boomers. Moins de guerres, moins de violences, moins de pauvres, plus d’égalité hommes/femmes, espérance de vie en hausse… Il y a encore de la marge, certes… Mais on avance.

Alors comment expliquer le succès de cette nostalgie ? Peur de l’avenir, de l’inconnu ? Mémoire sélective ? Effet de loupe avec des médias qui ne parlent que des mauvaises nouvelles ? En fait, notre cerveau, en idéalisant le passé, nous joue des tours. On ferait mieux de méditer les propos du biologiste Jean Dorst : “le passé ne sera jamais une espérance : on ne regarde pas devant soi dans un rétroviseur.”